COMMENT SAVOIR SI UN PIMENT EST FORT ?
Reconnaître qu'un piment est fort sans même y goûter n’est pas chose aisée. Que votre aromate soit rouge, vert, jaune, frais ou bien séché rien ne peu vous avertir de sa puissance. Tout se situe à l’intérieur du piment là où la capsaïcine est concentrée. Être coutumier d’une cuisine épicée peut aider à endurer la chaleur, mais pour une première expérience, l'échelle de Scoville peut alerter sur les différentes puissantes des piments.
La plupart des gens pensent que manger de la nourriture très épicée n’est pas du tout fait pour eux, et il est vrai que personne ne naît en aimant la sauce piquante. Néanmoins, après y avoir goûté une fois, puis une autre et ainsi de suite, ils finissent par s’habituer à cette sensation de chaleur et ressentent le besoin d’aller encore plus loin. Si vous faites partie de ceux, qui, par pure envie de tester leurs limites, souhaitent explorer de nouvelles saveurs ou tout simplement pour épater la galerie, cet article vous guidera dans votre quête. Connaissez-vous la différence entre un piment et une autoroute ? Vous payez toujours à la sortie...
POURQUOI LES PIMENTS BRÛLENT-ILS ?
Au risque de vous surprendre, ce ne sont pas les piments eux-mêmes qui brûlent, ni même leurs graines, comme nous l’entendons souvent. Un poivron a des graines, pourtant il ne pique pas. Et pour être tout à fait précis, il s’agit plus d’une perception de brûlure du piment que d’un réel échauffement matérialisé. La sensation de brûlure provient en réalité d'un composant appelé capsaïcine.
Qu’est-ce que la capsaïcine ?
A chaque fois que vous mordez un piment et que vous obtenez ce coup de fouet, c'est le résultat du composé actif appelé capsaïcine, issu du nom botanique du piment : capsicum. Cet élément chimique isolé pour la première fois en 1878, s’accumule au sein de l’aromate et se dépose sur les membranes blanches principalement (même si parfois les graines en profitent). Il a été démontré par la suite, que la capsaïcine provoque une sensation de brûlure sur les muqueuses, augmente la sécrétion d'acide gastrique et stimule particulièrement les terminaisons nerveuses. La fonction première de sa capacité irritante est d’éloigner les prédateurs ! Il n'y que les humains pour y revenir.
Les effets du piments
La capsaïcine du piment agit directement sur notre système nerveux. Et parmi la multitude de récepteurs sensoriels dont le corps dispose, elle active plus particulièrement les terminaisons nerveuses liées à la douleur et à la chaleur. Le cerveau transmet alors l’information à la partie du corps sensibilisée sans qu'aucune brûlure concrète ne se matérialise. La sensation de chaleur est présente uniquement chimiquement et de manière informationnelle parce que les récepteurs stimulés sont ceux liés à la chaleur, rien de plus. D’ailleurs, il est intéressant de noter que seuls les mammifères sont sensibles à cette molécule. Même si la capsaïcine favorise globalement la santé, les brûlures et irritations sont monnaie courante. Il peut donc être judicieux de consommer du piment de façon progressive afin d’acquérir une plus grande tolérance à ses effets. L'échelle de Scoville est un outil qui vous est très utile pour débuter ce processus.
L'ÉCHELLE DE SCOVILLE
Malheureusement, il n’existe pas de méthode miracle pour connaître la puissance d’un piment sans même y avoir goûter. Alors avant de vous lancer dans un " Pepper Challenge " prenez 2 minutes pour trouver une échelle de Scoville sur Internet (où ajouter notre article à vos favoris), cela peut vous éviter bien des déconvenues.
Wilbur SCOVILLE
C’est en 1912 que Wilbur Lincoln Scoville de son nom complet, met au point un système permettant la mesure de la force des piments. Plus précisément, ce système détermine la concentration de capsaïcine au sein de l’aromate. À l'époque, les travaux de Wilbur Scoville sont davantage portés sur la pipérine, molécule apportant le piquant au poivre. Ce n’est que par la suite, qu’il s’intéresse à la capsaïcine qui elle provoque cette sensation de chaleur. Beaucoup utilisée par l’industrie pharmaceutique pour le traitement des douleurs chroniques neuropathiques notamment, Scoville concentre alors ses recherches sur la capsaïcine pour le compte de la société Parke-Davis. Cette entreprise, fusionnée plus tard avec Pfizer, (Scoville-Covid le hasard des fois…), le mène à développer le test qui le rendra célèbre : " Test organoleptique de Scoville ".
Scoville déroulait le test de la manière suivante. Il mélangeait d'abord des piments préalablement broyés avec de l'eau sucrée. Puis les servait à un panel de 5 personnes qui sirotaient ses potions composées donc, de piment, de sucre et d’eau. Délicieux. Il diluait ensuite les solutions au fur et à mesure jusqu'à ce que les langues des dégustateurs ne brûlent plus. Après quoi, il attribuait une valeur à chaque piment en fonction du nombre de dilutions nécessaires pour dissiper complètement la chaleur. Ses valeurs allouées (des nombres multiples de 100) sont appelées les unités thermiques, ou en anglais les " Scoville Heat Unit " (SHU). Ce sera la genèse de l’échelle de Scoville que nous utilisons aujourd’hui. Google lui ayant même offert un mini jeu pour commémorer son 151ème anniversaire.
Comment se mesure la puissance d’un piment ?
De nos jours, les concentrations de capsaïcine sont déterminées à l'aide de méthodes nettement plus poussées et scientifiques, on utilise généralement la chromatographie liquide à haute pression (CLHP). Cette avancée technologique par rapport au test de Scoville permet la mesure directe de la capsaïcine et donne des résultats beaucoup plus précis que les méthodes sensorielles. Cette méthode palie également à 2 des points faibles du procédé originel de Scoville. D’une part, les individus consommant régulièrement des épices développent une plus grande tolérance au piquant du piment, ils sont capables d’endurer une chaleur plus importante, car leurs papilles sont désensibilisées. D’autre part, il est courant qu’au sein d’une même variété de piment, il y ait des concentrations de capsaïcine disparates. En fonction de ses heures d'ensoleillement, de l'humidité ambiante, ainsi que le type et la quantité d'engrais utilisés, cette concentration peut varier grandement.
Les résultats obtenus sont représentés sur l’échelle de Scoville en classant les condiments par ordre croissant d'unité thermique du piment. Plus le nombre est élevé et plus votre piment est puissant, assez simplement. Ces valeurs atteignent aisément les milliers voire les millions pour les piments extrêmes. Rappelez-vous que si ces nombres sont si importants, c’est qu’ils correspondent à la quantité de dilutions obligatoires pour atténuer le piquant de la capsaïcine.
Néanmoins, pour simplifier leurs utilisations culinaires, les échelles de Scoville, peuvent être munies de degrés gradués de 0 à 10. Plus lisibles, ces degrés regroupent les variétés de piments aux forces équivalentes. Si les degrés sont indiqués, c’est qu’il s’agit de la table simplifiée de l’échelle de Scoville. Les couleurs des paliers s’étalent du vert au rouge, accompagné à chaque fois d’une appréciation, très explicite. Cette première branche de l’échelle de Scoville est plutôt composée de piments communs et il n’y a que ceux placés sur le podium que nous déconseillons.
Au-delà des 100 000 unités thermiques, tournez-vous vers la table dite " développée " ou l'échelle de Scoville complète. Dans cette partie du tableau, c’est l’enfer ! Fini les piments au léger goût sucré, ici tout fait mal. Le code couleur est rouge, rouge, rouge, marron cramé puis gris cendre ou noir carbonisé, voilà ! Il n’y a plus de degré non plus, les intensités se comptent en millions. Il faut du cran, de l’inconscience, mais aussi suffisamment de patience pour dénicher les piments exotiques aux prix plus élevés que la moyenne. La souffrance se paie, mais il est possible d'en retirer une certaine satisfaction comme l'explique très bien l'étude de l'université de Penn State sur le " masochisme bénin ".
Pour les moins téméraires d’entre vous, qui êtes malgré tout curieux de voir quels sont effets lacrymaux engendrés, nous vous conseillons l’émission " Hot Ones ". Notez enfin que les échelles de Scoville sont régulièrement mises à jour en fonction des nouvelles productions de piments toujours plus fortes, et qu'elles évaluent tous aussi bien les piments que les sauces piquantes ! (harissa, tabasco, wasabi etc...)
QUELS SONT LES RISQUES À MANGER UN PIMENT FORT ?
Bien qu’en quantité raisonnable, les aliments épicés ne peuvent en aucun vous tuer sachez tout de même que la capsaïcine pure est classée comme un poison. D’ailleurs, elle se mesure à 16 millions d'unités thermiques sur l'échelle de Scoville.
Les douleurs gastriques
Une fois les aliments épicés, ingurgités, ils peuvent activer les récepteurs de la douleur situés dans l'œsophage. Ce n'est pas la même chose que les brûlures d'estomac, qui sont causées par la régurgitation d'acide, mais la sensation peut être similaire. La douleur ardente de la capsaïcine dans la bouche est tout aussi temporaire que la sensation œsophagienne et ne vous brûle pas réellement. Si vous avez l’estomac fragile ou peu coutumier des repas épicés, allez-y progressivement, autant en termes de quantité que de puissance du piment.
Les réactions inflammatoires
Plus les piments sont forts et plus ils augmentent la perméabilité de vos tissus. Cette sensation de brûlure que vous ressentez ne s’applique pas uniquement à vos papilles, mais à l'ensemble des organes par lesquels transite le piment, dont votre appareil digestif. Parfois, les mélanges entre plusieurs épices peuvent décupler cet effet de perméabilité.
À petites doses, cela peut permettre à vos muqueuses de se dilater et d’absorber plus facilement d’autres aliments. Bon point. À grandes doses, votre corps envoie le signal que des tissus doivent être réparés, car il identifie l’irritation comme une réaction inflammatoire. Ce qui peut avoir une réaction en chaîne. Pas bon. L’irritation peut durer plusieurs semaines et entraîner des difficultés pour boire notamment.
Les maux de tête
En plus de vous brûler l’appareil digestif, les espèces de piments parmi les plus fortes répertoriées (comme le Carolina Reaper) peuvent rendre votre irrigation sanguine difficile. Cela peut se traduire par un simple mal de crâne, mais dans les cas les plus excessifs, cela comprime vos artères et complique l’irrigation de votre cerveau.
La perforation intestinale
Cas de figure gravissime, mais fort heureusement tout aussi rarissime. C’est le paroxysme des réactions que seuls les piments les plus puissants peuvent occasionner. Les symptômes d’un trou dans l’œsophage sont : douleur abdominale intense, fièvre, frissons, vomissement voire radiation dans l’épaule. Rassurez-vous la majorité du temps l’unique douleur endurée lorsque vous mangez un piment est celle de votre bouche en feu ! C’est pourquoi nous vous donnons quelques conseils pour éteindre un incendie dans votre bouche.
COMMENT FAIRE DISPARAÎTRE LA CHALEUR DU PIMENT ?
S’il ne faut retenir qu’une seule chose c’est celle-ci : la capsaïcine est insoluble ! Vous ne pouvez pas la dissoudre avec de l’eau, pire vous ne ferez que de l’étaler sur une plus grande surface. Pensez-y lorsque votre premier réflexe est de descendre votre verre.
Il n’y a que les graisses, les sucres et l’acidité capables de diluer la capsaïcine.
Les produits laitiers (sont vos amis pour la vie et pour éteindre les incendies ☺)
Une gorgée de lait froid ou une cuillère de yaourt atténuera une bonne partie de la sensation de brûlure en bouche. Néanmoins comme les récepteurs liés à la douleur se situent sous la peau, les produits laitiers apportent plus d’effets en préventif qu’après consommation du piment. Il empêche la capsaïcine de toucher les récepteurs liés à la douleur en créant une couche protectrice. Moins connue, la protéine appelée caséine, présente dans les produits laitiers, peut aussi être utilisée.
L'huile ou les aliments gras
Si cela ne vous écœure pas, faites-vous un bain de bouche à l'huile ! Pour une option plus savoureuse, mangez une cuillère de beurre de cacahuètes.
L’acidité
Les agrumes, en particuliers les citrons (jaunes comme verts), oranges et ananas aident à neutraliser une partie de l'activité des capsaïcinoïdes. Et aussi surprenant que cela puisse paraître les tomates également. Une salade de tomates située proche de vous sur la table peut être votre planche de salut. Elles sont dotées de propriétés similaires. Vous pouvez vous gargariser avec du jus de tomate ; sinon, manger des tomates crues est un autre remède pour les ulcères de la bouche notamment.
Les aliments volumineux, riches en amidon et glucides
Comme les chips, le riz ou le pain : les aliments amylacés (amidon) agissent comme des éponges, en absorbant l'excès de capsaïcine. Ces aliments n'atténuent pas la brûlure, mais ils l'empêchent de s'aggraver avec le temps. L'amidon constitue une barrière naturelle entre la capsaïcine et votre bouche, en absorbant une partie de celle-ci.
Le sucre ou le miel
Si vous avez bu une cuillerée de cette sauce incroyablement épicée, il peut vous être utile de vous rendre au garde-manger et de vous mettre une demi-cuillerée à café de sucre ou de miel sur la langue. Si vous avez des morceaux de sucre à portée de main, croquez-en un pour un soulagement similaire. La capsaïcine à base d'huile est absorbée par le sucre ou le miel et vous aide ainsi à vous sentir mieux.
VOTRE CORPS A UNE FORMIDABLE " CAPSAÏCINE " D'ADAPTATION !
Si vous n’avez eu cette chance d’hériter d’une gastronomie riche en épices, rien n’est perdu. Il est toujours temps de prendre le train en marche et de commencer à apprécier la nourriture relevée. Oui, il y a de l'espoir, même pour ceux qui craignent les piments forts. Avec le temps, votre organisme est capable développer une tolérance au piquant mais il vous faut l’accompagner. Les premiers pas sont décisifs mais vous avez compris le procédé et balisé les dangers, plus rien ne peut vous arrêter. Une fois les épices apprivoisées, elles vous le rendent au centuple, alors c’est le moment d’en garnir votre cuisine et de commencer à le manipuler sans crainte !
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